L’Espace Naturel Sensible d’Erretegia (ENS) est un véritable poumon vert de la commune. On l’aperçoit depuis la route départementale, il s’offre généreusement à nous mais à la fois se mérite tant son relief nous rappelle que la Nature est seule maîtresse en ce lieu.

Véritable écrin aux multiples paradoxes, Erretegia attire par ses différentes facettes : il est à la fois un espace naturel, une plage, un spot de surf, un site d’intérêt géologique remarquable.

Ce vallon abrite une plage réduite à marée haute mais superbe lorsque l’Océan se retire.
La beauté de son panorama contraste avec la dangerosité de ses falaises, l’aspect millénaire de ses strates géologiques est rattrapé par l’érosion liée aux bouleversements climatiques de ces dernières années.

En somme, ici rien ne fonctionne sans dépendre étroitement de la Nature.

Une terrible envie de retour à l’essentiel

Prenez un terrain de jeux d’exception, des convictions et une envie féroce de bien faire, ajoutez-y une dose d’innovation, le goût du défi et une poignée d’acteurs engagés et vous obtiendrez le projet de renaturation de l’Espace Naturel Sensible d’Erretegia.
Aujourd’hui pour notre plus grand plaisir, nous vous partageons l’interview de Peio Lambert, technicien Espace Naturel Sensible & Biodiversité au Conseil Départemental des Pyrénées-Atlantiques, en charge du projet de renaturation d’Erretegia.

Il est de ceux que l’on écouterait parler pendant des heures d’autant plus qu’il ne manque pas de superlatif quand il évoque Bidart et ses paysages. Passionné et passionnant, Peio est à la fois un professionnel de terrain et un amoureux de la nature : un fervent défenseur de l’environnement et des choses simples.

C’est d’abord aux côtés de son père qu’il a appris à appréhender la Nature, décoder les éléments, lire les paysages, sentir les odeurs, s’ouvrir à ce que nos anciens faisaient autrefois : ressentir la Nature et la comprendre, par n’importe quelle météo.

Après plusieurs années d’expériences dans différentes réserves naturelles des régions de France, Peio est rentré au pays, exercer son métier-passion.

Aujourd’hui Peio évolue parmi les plus beaux espaces naturels du département.

Véritable vigie des ENS du 64, il partage ses journées entre le bureau et le terrain.

Rencontre avec Peio Lambert

Peio, peux-tu commencer par nous expliquer le lien entre le Département et l’ENS d’Erretegia ?

Ce qu’il faut savoir c’est que le Département est propriétaire et gestionnaire de plusieurs ENS sur l’ensemble des Pyrénées-Atlantiques dont celui d’Erretegia. Bien que la Région soit cheffe de file en terme de biodiversité, c’est bien le Conseil Départemental qui est acteur depuis longtemps de la protection de l’environnement et des paysages sur notre territoire.

Alors à notre échelle nous gérons 17 sites en tant que propriétaire, il y en a près d’une dizaine sur le littoral, puis d’autres sur l’intérieur du département jusqu’aux montagnes. Nous sommes également co-gestionnaires d’autres sites (34) comme le parc Izadia d’Anglet ou le Jardin Botanique de Saint-Jean-de-Luz par exemple. Nous sommes 7 personnes dans mon équipe, composée de différents métiers et domaines de compétences. On travaille également avec plusieurs association chantier  d’insertion pour l’entretien régulier de nos espaces.

Au-delà des ENS, on peut également se positionner comme partenaire si une commune identifie un espace qu’elle souhaite préserver.

Le Département collecte des recettes liées à la taxe d’aménagement lors des dépôts de permis de construire, cela permet de récolter des fonds pour protéger les espaces naturels. On pense souvent à la gestion du transport quand on parle des missions du département mais il y a aussi cet aspect-là dans les champs d’actions gérés par le Département.

En quoi consiste le principe de renaturation ?

C’est un terme nouveau qui commence à être un peu plus reconnu. On ne va pas dire qu’il est devenu à la mode, mais il est surtout devenu normal aujourd’hui d’appréhender la gestion des espaces de cette façon-là.

L’objectif de la renaturation est de redonner place à une nature originelle là où elle a disparu, là où elle a été transformée ou artificialisée par l’homme.

En ce qui concerne le projet d’Erretegia, il y avait plusieurs phases dans le processus de renaturation : celle de redonner place à la végétation sous l’enrobé qui avait été coulé à l’époque où l’on avait pour projet d’en faire un camping ou même un lotissement; celle de supprimer le réseau hydraulique qui captait les eaux de pluie pour redonner une circulation plus naturelle à l’eau qui désormais va suivre les pentes naturelles à un rythme différent.
Cette action a permis ainsi à une certaine végétation de pousser, de reprendre sa place; par exemple dans les zones où elle ruissellera plus vite on retrouvera des espaces arborés et dans celle où l’écoulement sera plus lent, il y des petites mousses, des fougères, des milieux tourbeux très appréciés par certaines espèces qui vont pouvoir y trouver refuge. Quelque part dans le processus de renaturation, on accompagne une évolution naturelle des habitats naturels.

Au départ quand nous avons vu le projet qui prenait forme nous avons quand même été interpellés par une phase des travaux ! Heureusement que tu nous avais prévenus !

J’imagine que tu parles du moment où l’on a dû intervenir sur les pittosporums ? Oui, ils sont beaux, on les apprécie pour leur parfum, leur aspect tortueux c’est sympa c’est certain, mais c’est une espèce exotique et tout comme l’herbe de la Pampa, bien que cela fasse partie du paysage de la Côte basque, ces espèces ont été importées chez nous à un moment donné et elles nuisent grandement à la faune et la flore locales, notamment par le fort pouvoir de dissémination.

La deuxième chose qui était assez impressionnante aussi, c’est le moment où l’on a dû supprimer les “terrasses” rappelle-toi ! Ces aménagements avaient été façonnés dans le vallon de manière à accueillir des toiles de tentes, des tables de pique-nique, des espaces pour faire des barbecues. Aujourd’hui ça paraît impensable dans une zone protégée tel qu’un ENS.

Quand on a “redessiné” cette prairie, l’idée était de retrouver une pente qui respecte le processus d’érosion naturelle, sur laquelle on a semé une végétation la plus pionnière et la plus locale possible. On l’entretient de manière à ce que le public puisse venir fréquenter le lieu, et elle est gérée en prairie qui accueille désormais des insectes et des oiseaux. Donc en résumé c’est une gestion anthropique mais qui s’apparente à une nature originelle. Dans une certaine mesure on “jardine” un espace naturel c’est intéressant.

“Il y a toujours un début et une fin pour la renaturation, on essaie de se rapprocher au maximum de ce qu’aurait pu faire la nature.”

Erretegia c’était ton premier chantier dans cet esprit-là ?

Oui, c’est un gros cas d’école ce dossier, cela a été hyper instructif et très formateur pour moi. Au-delà de l’aspect technique, j’en retiens aussi beaucoup l’aspect humain, les rencontres avec les différents acteurs, les élus, les partenaires, les techniciens. C’est une chance dans ma carrière d’avoir pu œuvrer sur ce projet avec toutes les personnes qui y ont contribué. On a senti vraiment une ambition partagée par tous, une volonté de se tourner ensemble vers quelque chose de plus vertueux.

Et il y a quelque chose d’un peu plus fort ici, on sent à Bidart, qu’il y a une âme à part, du caractère, il y a des hommes et femmes qui sont investis véritablement dans la conservation et la protection de leur patrimoine.

On ne le communique pas assez, Erretegia dans le milieu c’est vraiment devenu une référence. Ce projet a remporté l’appel à projet national qui s’intitulait « Des solutions fondées sur la nature pour des territoires littoraux résilients» par le Ministère de la Transition Écologique.

Mais on ne s’arrête pas là, il y a aussi toute une animation et des actions de médiation pour le public qui sont mises en place.

On a vu s’étoffer au fil du temps le programme des animations et sorties dans le site d’Erretegia, peux-tu nous en dire plus ?

On a de nombreux partenaires de qualité qui nous accompagnent dans la mise en place d’un programme assez riche et complet. Le CPIE littoral Basque organise des sorties à thème sur la faune et la flore, la géologie, la nature et le patrimoine ou même des jeux.

Il y a la Water Family qui intervient pour parler de son champ d’actions et de la préservation de l’eau.

On a aussi organisé à plusieurs reprises des chantiers participatifs ouverts à tous qui ont rencontré du succès, je pense à celui de septembre pour l’épandage du foin et la semence d’espèces locales.

C’est intéressant de faire participer le public, c’est un site naturel et géologique d’exception au-delà du paysage il y a tellement de choses à raconter sur cet endroit.

Qu’est ce qui existe dans ton métier et que l’on ne connaît pas forcément ?

Peut-être qu’on le soupçonne sans vraiment l’identifier mais le suivi naturaliste du métier : le comptage et l’inventaire qui sont réalisés par des professionnels spécialisés auxquels on fait appel tels que des botanistes par exemple. Ils font des rapports, ils observent et analysent le rendu du site, sa progression, c’est un suivi réel et nécessaire pour analyser la réussite des actions.

Il y a aussi la partie négociation, la gestion des différents acteurs et parties prenantes des projets.

Il y a dans chaque projet une première volonté politique et puis ensuite chacun amène sa pierre à l’édifice pour le réaliser. Être au cœur de cette dynamique c’est passionnant, de pouvoir coordonner toutes ces intentions, tous ces métiers au service des projets qui rassemblent ces valeurs là c’est très enthousiasmant!

Aurais-tu un message à faire passer ?

C’est pas facile de répondre à cette question, je dirai, de ne pas avoir peur d’être curieux et de s’approcher de la nature qui nous entoure. D’ouvrir les yeux sur la lecture des paysages, sur les espèces à planter, de découvrir les petits changements sur nos pratiques qui peuvent avoir un impact sur beaucoup de choses. 

C’est un vrai défi : comment rendre la nature environnante aussi intéressante que celle que l’on voit en voyage et à la télévision?

Et puis s’adapter à l’évolution que le changement climatique va nous imposer.

Pour le volet touristique, j’aimerai que l’on développe le côté très vertueux de l’écotourisme de transition, que l’on aille de plus en plus vers ce type de gestion-là des espaces mais aussi des établissements.

Si la façon de gérer Erretegia peut donner naissance à d’autres projets similaires, ça sera déjà une belle graine de plantée.


Quelques chiffres clés :

20

entreprises

mobilisées

1.2

millions d’€

d’investissement

1

prix

national

1.8 ha

de prairie

restaurée

5800m²

de sol

désimperméabilisé

1

zone

Natura 200